Résumé
L’île de Kinmen (金門) fut un lieu de batailles entre l’armée de la Chine communiste et l’armée nationaliste, puis un lieu de préparation à une invasion de Taiwan par la Chine populaire. En 1992, l’île fut rendue au gouvernement civil, ce qui changea la politique, la culture, l’économie et l’écologie de l’île. Cette thèse étudie la position géographique et historique de l’île de Kinmen comme frontière entre la République Populaire de Chine et la Chine Républicaine (Taïwan), à travers la notion de patrimoine telle qu’elle est comprise et pratiquée par les habitants de l’île, et qui revêt trois formes : les traces de l’histoire humaine, la diversité de la nature, la richesse de sa culture propre. En combinant l’ethnographie des formes de pouvoir et l’ethnographie multi-espèces, cette thèse explore quatre problèmes fondamentaux auxquels les habitants de Kinmen sont confrontés depuis la fin de la Guerre froide : la transition d’une ère militaire à une ère civile, la tension entre les savoirs traditionnels et les savoirs modernes, la relation entre les humains et les non-humains en deçà de la rationalité gouvernementale, le positionnement de zone-frontière de l’île entre les deux côtés du détroit de Taiwan. Du fait de son identité de sentinelle militaire dans le contexte de la guerre, Kinmen doit faire face, avec ses spécificités locales et historiques, à la puissance nouvelle et grandissante de la Chine continentale, dont elle est fortement dépendante du point de vue de l’économie et des ressources, ce qui la transforme en sentinelle écologique, à travers les interactions et dépendances mutuelles entre humains et non-humains qui vivent ensemble sur le territoire. Ces deux aspects de la sentinelle, plutôt que l’opposition entre nature et culture, renvoient à la distinction chinoise entre Wu (武) et Wen (文), qui sont au cœur de la cosmologie chinoise étudiée dans cette thèse.
Source: http://www.theses.fr/2022EHES0019
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