1/ Pouvez-vous vous présenter ? Ainsi que les entreprises Neodia et 24pm Academy que vous avez fondées ?
Je suis un entrepreneur et consultant du digital avec deux spécialisations : l’intelligence artificielle et le marketing digital. Neodia, l’agence que j’ai fondée en 2004, propose des services de conseil stratégique et de mise en œuvre dans les domaines de l’intelligence artificielle générative, du référencement, du content marketing, du marketing automation et de l’analytics. 24pm Academy est à la fois une plateforme de formation en ligne qui donne accès à 250 heures de formation à l’intelligence artificielle et au marketing digital ainsi qu’un organisme de formation classique en présentiel. Je présente trois prismes : la minimisation de l’impact écologique, le respect des intérêts de l’internaute et la souveraineté numérique.
2/ Comment l’IA peut-elle aider les entreprises à mieux comprendre leurs clients et leurs besoins, et à créer des expériences ultra-personnalisées et plus engageantes ?
L’IA générative peut aider à mieux comprendre les attentes des consommateurs ou leur perception d’une marque en analysant de grands corpus de documents (avis clients, échanges avec le service client, messages issus des réseaux sociaux). On peut ainsi en extraire des insights, des tendances, des attentes insatisfaites, de nouvelles idées de produits ou de services. C’est complémentaire de ce que permettait déjà l’IA classique depuis 10 ans pour analyser des statistiques et identifier de nouveaux segments de clients pour des opérations de marketing direct, par exemple. Couplées, l’IA générative et l’IA classique peuvent permettre de créer des personas à la fois représentatifs d’un point de vue statistique et riches du point de vue socio-démographique. Ensuite, l’IA générative peut générer des messages adaptés à chaque persona tant pour présenter des produits sur des sites, que des campagnes d’e-mail, de SMS ou même de marketing téléphonique.
Évidemment, on parle beaucoup de l’utilisation des chatbots reposant sur les LLM de type GPT4 ou Claude qui permettent enfin de proposer d’automatiser les échanges pour délester les supports clients classiques, avec des échanges de qualité que ne permettaient pas les chatbots d’ancienne génération que les clients détestaient. Attention, créer des chatbots qui s’expriment comme la marque, connaissent le client, sont capables de lui répondre sur des sujets comme le suivi de commandes et de lui suggérer des produits pertinents, suppose une grande maîtrise technique en même temps qu’un gros travail sur les données de l’entreprise en amont.
3/ Quels sont les risques éthiques et juridiques liés à l’utilisation de l’IA pour la personnalisation de la relation client ? Ces risques sont-ils selon vous un frein à l’adoption de l’IA par les e-commerçants ?
Les risques sont variables en fonction des usages et des technologies utilisées.
En IA générative, par exemple, on contrôle peu ce que répond un chatbot, qui se contente de générer le texte qui, selon ses calculs, a le plus de chance de satisfaire l’internaute, sans comprendre ce qu’il écrit. Ces chatbots peuvent donc potentiellement dérailler, soit en répondant très mal à une question, soit en inventant des choses qui n’existent pas (on parle alors d’hallucination). Pour limiter ce risque, il est possible d’utiliser les fonctions de gestion du risque que proposent les principales plateformes donnant accès à ces LLMs de type GPT4 ou Gemini, à travers la définition de paramètres, qui consistent souvent à réaliser un arbitrage entre créativité laissée au chatbot (et risque de dérive) d’une part et réduction des risques (mais appauvrissement des réponses), d’autre part.
Pour des applications spécifiques comme les décisions d’attribution de crédit, on sait qu’un algorithme d’évaluation du risque peut reproduire des biais non désirables si les milliers de décisions d’octroi de crédit arrêtées par des humains, qui ont permis à l’algorithme d’évaluer les risques, étaient eux-mêmes biaisées. Pour pallier ce problème, il existe des méthodes qui permettent de redresser les défauts de l’algorithme.
4/ Avez-vous des conseils à donner aux entreprises qui souhaitent utiliser l’IA pour personnaliser la relation client ? Quelles sont les compétences clés que les professionnels du e-commerce doivent développer pour rester compétitifs ?
Plusieurs approches peuvent se cumuler.
- Une formation permettant d’identifier systématiquement et de comprendre le fonctionnement des véritables cas d’usages des différentes formes d’IA (IA générative à la mode, mais aussi Machine Learning, IA symbolique et simple automatisation comme le RPA-Robotic Process Automation).
- Des formations très pratiques, par métier, permettant de se réapproprier les outils d’IA pertinents pour chaque métier, avec des ateliers très concrets démontrant comment les participants peuvent se réapproprier ces technologies immédiatement à l’issue de la formation. Cela peut aussi bien consister à entraîner les collaborateurs à élaborer des prompts très évolués pour obtenir des réponses de grande qualité de ChatGPT (une grande frustration de nombreux cadres actuellement) qu’à leur faire concevoir des applications qui s’appuient sur les API d’OpenAI ou d’Anthropic, dont la maîtrise est centrale pour que l’entreprise automatise, en partie, la gestion de la relation client.
Mon expérience de formateur tend à me prouver que dans la mesure où l’IA va engendrer une modification en profondeur des process, il faut en complément des formations, pour entretenir une dynamique d’innovation et de changement des pratiques, ains que mettre en place des actions « fil rouge » comme des challenges personnels récompensés de façon symbolique, des projets de R&D collectifs, la création de prototypes…
C’est d’autant plus important que si l’IA, notamment l’IA générative, est en train de transformer la gestion de la relation client au niveau de l’entreprise, elle modifie aussi le quotidien de tous les collaborateurs. ChatGPT n’est pas simplement une alternative à Google pour trouver des réponses ou générer des textes de newsletters. C’est aussi un assistant qui permet de réaliser des tâches complexes comme l’élaboration de plans de fidélisation complets et leur mise en œuvre ou encore qui permet de se former en jouant le rôle d’ingénieur pédagogique concevant les programmes, de formateur dispensant les cours et de tuteur accompagnant le professionnel dans l’acquisition de connaissances. Et, pour tout cela, l’expérience montre qu’une formation d’une journée au « prompt engineering » ne suffit pas et qu’il faut un plan au long et court terme.
5/ Selon vous, comment l’IA va-t-elle transformer la relation client dans les années à venir ?
Les promesses actuelles de l’IA en matière de gestion de la relation client ne sont pas nouvelles. L’IA va permettre de répondre (par E-Mail, via des chatbots ou des SMS) plus vite, avec probablement des réponses de meilleure qualité aux demandes du client qu’auparavant. Elle va permettre de fidéliser, de personnaliser les communications, pour communiquer moins mais mieux. Ce sont des promesses qui ont quasiment 20 ans. Ce qui change, aujourd’hui, c’est que maintenant les technologies sont mûres, qu’elles fonctionnent beaucoup mieux et que les promesses vont enfin être tenues. C’est le marketing one-to-one que l’on attend depuis la fin des années 90 qui prend forme. Mais ce sont, surtout, les chatbots qui arrivent enfin à maturité : les chatbots historiques, que détestent la plupart des clients qui préfèrent qu’un humain compétent leur parle, vont être progressivement remplacés par des chatbots aussi pertinents que ChatGPT, que les gens adorent.
La contrepartie de cela est que les clients des sites d’e-commerce seront beaucoup plus exigeants. De la même façon qu’ils ne comprennent pas qu’une recherche sur un moteur de recherche interne ne soit pas aussi pertinente qu’une recherche dans Google, ils ne comprendront pas que le chatbot du site d’e-commerce soit moins « intelligent » que le chatbot de leur site d’e-commerce préféré.
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