Les équipes de l’organisme de formation en ligne Unow ont récemment conduit un atelier innovation autour de ChatGPT. Il s’agissait de savoir si ce nouvel outil pouvait aider à bâtir une formation. Résultat : ChatGPT a délivré des scénarios de formation “bien ficelés”, pouvant servir de base créative. Mais il faut apprendre à dialoguer avec la machine. Car ce n’est pas un moteur de recherche, mais un agent conversationnel. Léna Leparoux, responsable pédagogie chez Unow, répond à nos questions.
« C’est tout un apprentissage pour bien guider la machine »
Dans quelle mesure le logiciel ChatGPT peut-il s’intégrer dans l’univers de la formation professionnelle ?
Léna Leparoux – Conscients que cet outil pourrait changer la donne, nous avons voulu le tester en équipe lors d’un atelier innovation. Nous nous sommes donnés pour but d’étudier comment ChatGPT pourrait nous aider à bâtir une formation, en prenant pour thème : “Lire et interpréter des données en contexte professionnel”. Nous avons exploré plusieurs pistes. Nous avons d’abord testé ChatGPT sur la phase de cadrage qui précède toute scénarisation pédagogique. Nous l’avons questionné sur un certain nombre d’éléments : les enjeux de savoir lire et interpréter des données en entreprise, les risques encourus par les entreprises si cette compétence n’était pas maîtrisée en interne, les gains potentiels pour l’apprenant se formant sur cette thématique, les points de vigilance dont il faudrait tenir compte lorsque l’on forme sur ce sujet…
Que vous a appris cette recherche initiale ?
Léna Leparoux – Cette étape nous a permis de cerner rapidement les écueils à éviter dans notre scénarisation pédagogique, tout en nous fournissant des argumentaires commerciaux intéressants. Dans un second temps, nous avons exploité ChatGPT sur la phase de scénarisation, en tenant compte des enjeux et écueils que nous avions mis en évidence grâce à nos recherches préliminaires. ChatGPT a délivré des scénarios de formation souvent bien ficelés, pouvant parfaitement servir de base créative. Nous avons fait évoluer ces scénarios en modifiant les consignes (les “prompts”) jusqu’à obtenir des trames assez proches de ce que nous aurions pu produire sans ce logiciel.
Nous sommes sortis de cette journée convaincus de l’intérêt d’exploiter ChatGPT en tant qu’outil pour l’ingénierie pédagogique. Mais nous nous sommes aperçus que nous étions encore loin de la baguette magique miraculeuse qui produirait des formations en un claquement de doigts. Non seulement il est nécessaire d’apprendre à dialoguer avec la machine mais il est indispensable de vérifier toute information fournie par ChatGPT, car le système se trompe régulièrement. Aucune des productions de cet outil ne peut donc être utilisée telle quelle. ChatGPT nous fait donc gagner du temps, mais les acteurs de la formation peuvent se rassurer : la machine n’est pas encore prête à nous remplacer !
Quels types de données avez-vous introduits dans la “machine” ?
Léna Leparoux – On pourrait être tenté d’utiliser ChatGPT comme Google, par exemple en lui demandant “Quels sont les contenus à couvrir dans une formation sur la data ?” Néanmoins, ce serait se priver d’une grande partie de la valeur ajoutée de ce logiciel, qui n’est pas un moteur de recherche mais un agent conversationnel. Il est pertinent, en revanche, de lui indiquer un rôle et un contexte (“Tu es un expert en data analyse dans un grand groupe”), puis de le questionner avec précision, par exemple en spécifiant le style désiré, la longueur de réponse attendue et des idées ou mots-clés à introduire dans la réponse. Le système nous livre une première réponse souvent imparfaite. Il faut alors affiner la consigne. Or, comme ChatGPT est un agent conversationnel, on peut lui demander de rebondir sur sa réponse, de l’approfondir, de la nuancer, d’y ajouter telle ou telle idée, de supprimer tel ou tel paragraphe… C’est tout un apprentissage pour bien guider la machine. Par ailleurs, on peut lui demander de livrer des réponses “peu créatives”, pour réduire le risque d’erreur, mais tout en gardant en tête que les réponses de ChatGPT ne sont pas 100 % fiables. Encore une fois il faut toujours vérifier les données fournies par l’outil.
En quoi ChatGPT peut-il être utile dans le processus de formation, dans la relation avec l’apprenant ?
Léna Leparoux – Intégré sur une plateforme, le logiciel pourrait apporter des réponses personnalisées aux apprenants qui voudraient approfondir une notion théorique, recentrant le rôle du formateur sur la mise en pratique et l’accompagnement individuel. ChatGPT ne remplacera pas l’humain, mais si nous l’utilisons correctement, si nous apprenons à bien communiquer avec lui, il peut devenir un assistant très utile. Une fois libérés de ce qui pourrait être réalisé automatiquement par la machine, nous pourrions alors nous concentrer sur les parties de notre métier où l’humain a le plus de valeur ajoutée : cerner les bons besoins des apprenants, apporter des réponses à des cas très spécifiques, accompagner les participants dans la transposition des acquis dans leur quotidien professionnel… À nous de nous former pour exploiter tout le potentiel de ChatGPT !
CHATGPT, OUTIL CONVERSATIONNEL ÉTABLI À PARTIR D’UNE INTELLIGENCE ARTIFICIELLE Le terme GPT, “generative pre-trained transformer”, signifie que l’IA (intelligence artificielle) a été pré-entraînée pour comprendre le langage naturel et répondre aux questions qui lui sont posées. Lancé en novembre 2022 en version gratuite, ChatGPT est un prototype d’agent conversationnel développé par l’entreprise OpenAI. Il est affiné en continu grâce à l’utilisation de techniques d’apprentissage dites “supervisée” et “par renforcement”. En janvier 2023, ChatGPT comptait déjà plus de 100 millions de comptes enregistrés. |
Initialement publié dans Inffo Formation n° 1052, 15 au 30 avril 2023
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