Pour cette troisième édition, le baromètre de l’observatoire Data Publica, réalisé avec le concours de la Banque des Territoires, La Poste, Orange, et en partenariat avec La Gazette des communes, a interrogé près de 300 collectivités sur leurs pratiques en matière de données, d’intelligence artificielle et de cybersécurité. Cette enquête, à laquelle ont participé de nombreuses communes de moins de 3.500 habitants (43% de l’échantillon), a été complétée par un sondage réalisé par l’Ifop auprès de 1.000 personnes représentatives de la population française.
Progression de la culture de la donnée
Premier constat, l’appropriation des enjeux data progresse. 65% des collectivités interrogées déclarent avoir lancé un projet data au cours des deux dernières années, chiffre qui n’atteignait que 41% en 2022. Les principaux terrains de jeux des données sont l’administration/gestion interne (59%), l’environnement et l’éclairage (58% chaque) ou encore la mobilité (55%).
D’une façon plus générale, l’intérêt des données fait la quasi-unanimité sur la transition écologique (97%). En termes d’objectifs, l’amélioration du service public (73%), la transparence (59%), l’optimisation des politiques (56%) ont l’avantage sur les économies budgétaires (45%), mais il est vrai que l’étude a été menée en juillet, avant les annonces de restrictions gouvernementales. La gouvernance des données progresse également : 31% des collectivités de plus de 3.500 habitants (29% en 2022) ont défini des règles d’usage des données telles que des guides (61%), des clauses data contractuelles (58%) ou des chartes (24%). On notera enfin que 63% des collectivités déclarent héberger leurs données sur leurs propres serveurs, le cloud sécurisé ne dépassant pas les 5%.
L’IA dans une collectivité sur deux
Coté intelligence artificielle, l’appétence des collectivités se confirme. Mi-2024, plus d’une collectivité sur deux (51%) annonce avoir mis en place un système d’intelligence artificielle ou en prévoir un dans l’année à venir. Un bond que l’observatoire attribue à l’IA générative, technologie accessible à n’importe quelle collectivité. Ainsi, les chabots ou « robots conversationnels » concernent des collectivités de toutes tailles. Les domaines de prédilection de l’IA sont l’administration interne (29%) et la relation usagers (11%), les enjeux smart city (mobilité, eau, déchets, sécurité) recueillant pour leur part chacun aux alentours de 10-12%, en cohérence avec les réponses sur la gestion des données.
Les grandes collectivités montrent cependant une fois de plus une plus grande maturité. 75% des régions et 62% des métropoles ont déjà engagé des projets d’IA. Ce sont également celles qui jugent « bon » ou « très bon » leur niveau d’acculturation à la donnée (plus de 75%). Ces grandes collectivités lancent les projets les plus aboutis – et les plus proches de l’idée que l’on peut se faire d’une IA de service public – notamment sur l’IA prédictive ou au service de l’aide à la décision. Ce sont aussi celles que l’on retrouve derrière les jumeaux numériques cités par 5% des répondants (19% dans l’année à venir). Le fossé se retrouve dans l’encadrement de l’IA. Seules 3% des collectivités ont mis en place une charte éthique, chiffre qui monte à 15% pour les métropoles, 18% ayant cependant l’intention de le faire dans l’année à venir. Ces disparités sont à relier au manque de compétences sur l’IA, frein cité par 70% des collectivités (35% pour les métropoles), devant le manque de confiance en l’IA (538%) et de temps (52%).
Le risque cyber partiellement intégré
En matière de cybersécurité, 26% des collectivités interrogées déclarent avoir subi une cyberattaque majeure conduisant au blocage de services et/ou à des fuites de données importantes. Par ailleurs, 49% se sentent exposées aux risques cyber en continu. Néanmoins, le degré de conscience du risque reste très faible chez les petites communes, 15% d’entre elles affirmant avoir intégré le risque cyber contre 65% des métropoles. La prise de conscience se traduit par le déploiement d’outils de sécurisation (75%), la mise en place d’un RSSI (61%) et de clauses de sécurité dans les contrats (54%).
Dans le contexte de la mise en œuvre de la nouvelle directive NIS 2, on notera qu’à peine 53% estiment bien connaître la réglementation en vigueur. Les collectivités butent également sur un manque de moyens financiers (52%), de compétence (41%) et de temps (40%) pour mettre en place des stratégies cyber. L’enquête révèle au passage le manque de notoriété des centres de réponse aux incidents cyber régionaux (CSIRT 23%) et du GIP Cybermalveillance (22%), les gendarmes étant identifiés par 1 collectivité sur 2 comme un interlocuteur sur la cybersécurité et l’Anssi par un peu plus d’un tiers des collectivités.
Le défi de la confiance
Si les collectivités sont désormais majoritaires à prendre le tournant de la data et de l’IA, il leur restera à convaincre les Français dans le contexte d’une aggravation des menaces cyber. Car les Français, et notamment les plus âgés d’entre eux, restent sceptiques face à l’usage croissant des données : 55% voient cette tendance négativement, le chiffre pour l’IA étant quasi identique (51%). On notera cependant que les sondés valident les pistes d’usages des données et de l’IA des collectivités en soutenant à plus de 75% la résolution des enjeux énergétiques (84%), la gestion de l’eau (81%) ou l’amélioration des transports (78%). En revanche, en miroir de l’enthousiasme des territoires pour les chatbots, on relèvera que seulement 20% préfèrent une IA accessible 7j/7 et 24h/24 plutôt qu’un agent au guichet.
Cette méfiance est accentuée par la conscience aiguë des Français sur les risques cyber. 82% se sentent « inquiets » ou « très inquiets » des cyberattaques et des menaces sur leurs données personnelles, 98% considérant ce dernier sujet comme important ou prioritaire. Et à cet égard, on notera que les Français font plus confiance aux collectivités (66%) qu’à l’État pour gérer leurs données.
Les résultats de cette étude, disponibles sur le site de l’observatoire ont également été commentés dans la dernière note de conjoncture du groupe La Poste et de la Banque des territoires. Par ailleurs, le Hub des Territoires va organiser dans les prochains mois plusieurs séminaires d’information afin de contribuer à l’acculturation des collectivités aux enjeux de l’IA et de la data.
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