Longtemps frileuses à l’idée d’intégrer la technologie à leur relation clients, les enseignes de luxe veulent désormais enrichir leurs services à l’aide de la tech. Leur défi est donc de développer de nouveaux services 2.0, tout en préservant la rareté de l’expérience, caractéristique incontournable des grandes maisons.
Longtemps en froid avec les innovations technologiques adoptées par les retailers, le monde du luxe se réconcilie peu à peu avec l’e-commerce et l’expérience client digitalisée. Pour 61 % des clients du secteur, c’est l’humain qui crée une expérience inoubliable en boutique. Si le luxe dit désormais oui à la tech, ses acteurs se doivent d’en proposer un usage différent de celui des enseignes classiques.
Augmenter le vendeur plutôt que le remplacer
En somme, la technologie dans le luxe se veut « anti-gadget » et doit uniquement venir enrichir l’expérience humaine et apporter une valeur supplémentaire au client. C’est dans cette optique que LVMH a développé le « vendeur augmenté ». « Un client vient en magasin pour avoir un contact humain avec le vendeur, il était donc hors de question de le remplacer par des technologies », explique Gonzague de Pirey, chief omnichannel and data officer chez LVMH. « Nous avons donc développé une application qui le décharge des tâches rébarbatives, lui permettant de se concentrer sur le contact avec le client. » L’application de clienteling développée pour les magasins du groupe LVMH permet au vendeur d’accéder rapidement aux informations client afin de, par exemple, préparer le rendez-vous en amont en sortant les bonnes tailles ou encore d’anticiper l’aval en termes de paiement privilégié par le client en face de lui. « En résumé, cette application supprime les irritants habituels liés à l’attente et au manque de fluidité », commente Gonzague de Pirey.
Chez Kering, la même technologie a été développée avec l’expertise des ingénieurs d’Apple et celle des vendeurs des boutiques Saint Laurent. Ces derniers ont tous accueilli cette technologie à bras ouvert : « Ils se disent plus efficaces, obtiennent de meilleurs taux de conversion et vivent eux-mêmes une meilleure expérience », raconte Grégory Boutté, chief client and digital officer chez Kering. Après des « feedbacks très positifs », l’entreprise a déployé son application en 18 mois dans tous ses magasins.
Choisir son parfum : un parcour semé d’irritants
Puisque le luxe se définit par une expérience poussée pour ses clients, certaines marques vont plus loin que le développement d’applications pour leurs vendeurs. C’est par exemple le cas d’Yves Saint Laurent. Selon Delphine Tour Helin, global beauty tech & retail services director chez YSL Beauté : « Aujourd’hui, 97 % de la Génération Z se déplace en magasin pour s’inspirer, s’immerger dans l’univers de la marque. » Ainsi, la marque a détecté un véritable sujet quant au choix des parfums. La tech leur a permis de porter le conseil en magasin à un niveau supérieur, notamment grâce aux neurosciences. « Nous faisons sentir six notes de parfum au client, puis nous analysons ses sentiments grâce à un casque neuroconnecté, explique Delphine Tour Helin. Tout cela permet de créer son profil olfactif en retirant un irritant majeur dans la parfumerie : celui de ne pas pouvoir mettre de mots sur des sentiments. » À l’issue de ce texte futuriste, la marque recommande trois parfums à son client.
Omnicanalité : adapter les services physiques au web, le défi majeur des marques
Si l’expérience en boutique se doit d’être inoubliable, elle ne doit pas perdre son ADN luxe sur le web. Depuis la crise sanitaire, il est devenu évident que les grandes maisons ne peuvent se passer de l’e-commerce. Mais si elles s’y sont attelées, seuls 23 % de leurs clients se disent satisfaits de leur expérience en ligne ou omnicanal. Pour Gonzague de Pirey : « Un client se déplace en boutique pour toucher, sentir les produits. Nous ne pouvons pas autant nous différencier sur le web qu’en physique mais nous devons faire notre maximum. » Pour ce qui est du parfum, très difficile à choisir sans le sentir. YSL propose donc une étude cognitive en ligne qui met en corrélation des stimuli et le « fragrance finder » polysensoriel en ligne.
« Nous ne pouvons pas proposer le même niveau de service partout, c’est pourquoi nous réfléchissons à la complémentarité des services, au sein d’une démarche omnicanale », précise Delphine Tour Helin. Le « rouge sur mesure » est un produit représentatif de cette démarche omnicanale d’Yves Saint Laurent. Ce créateur de rouge à lèvres intelligent permet de découvrir plusieurs couleurs virtuellement au sein d’une application native, puis de configurer la couleur choisie en ligne au préalable et de la créer avec des cartouches de couleurs.
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