Le Conseil d’Analyse Économique (CAE), organisme indépendant rattaché au Premier ministre, chargé de mener des analyses économiques pour le gouvernement vient de publier une note sur la situation du petit commerce en France.
Ce secteur compterait en 2019, selon les auteurs de l’étude, un peu plus de 430 000 établissements et représenterait environ 12 % de l’emploi total (1 824 000 salariés et710 000 emplois non salariés) et 6 % du PIB.
Intitulé Petits commerces : déclin ou mutation, le document apporte des éclairages sur la situation du petit commerce en France notamment sur l’impact du numérique sur les petits commerçants, et plus précisément les commerces :
- de détail (hors grandes surfaces) ;
- de l’artisanat de bouche (boulangeries, charcuteries, etc.) ;
- des bars et des restaurants ;
- et des services aux ménages (coiffure, soins du corps, pressings, etc.).
Les petits commerces bénéficient de l’attachement des Français
Les auteurs rappellent que les Français sont attachés aux petits commerces : la vaste consultation citoyenne « Comment inventer ensemble les commerces de demain ? », organisée en 2021 pour préparer les Assises du commerce, a mis en évidence que « la préservation et le développement des commerces dans les territoires », en particulier du commerce de proximité, était leur première source de préoccupation.
Cet attachement a contribué à aider les petits commerces à maintenir leur activité. Ainsi le nombre de commerces a augmenté très nettement entre 2008 et 2013 (4,1 %), et légèrement entre 2013 et 2019 (0,7 %). Mais cette progression, portée par le dynamisme du secteur de la restauration, masque en réalité tous types de commerces confondus, une baisse d’environ 2 % du nombre de commerces sur la période 2013-2019.
Par ailleurs ces chiffres varient fortement selon les territoires. Alors que les territoires ruraux enregistrent un net recul du nombre de commerçants (hors restauration), les banlieues font elles montre d’un réel dynamisme.
Et dans l’ensemble, les petits commerces semblent avoir bien résisté tant à la crise sanitaire liée au Covid qu’à la crise énergétique, même si des effets à long terme de la hausse des coûts des matières premières et de l’énergie ne peuvent être exclus.
Comparativement aux autres secteurs de l’économie, la situation des petits commerces semble même plus favorable. L’analyse de la situation financière des entreprises du commerce montre qu’elles sont globalement dans une situation plus favorable que celles des autres secteurs de l’économie.
La part du commerce en ligne progresse d’année en année
Le chiffre d’affaire du commerce en ligne progresse d’année en année. En 2021, selon les estimations de la Fevad , les Français ont dépensé 129 milliards d’euros en ligne, partagés en parts presque égales entre les biens et les services. Le secteur du e-commerce représente désormais 14,1 % du commerce de détail et sa part dans l’économie croît rapidement. Entre 2010 et 2020, selon un rapport de France Stratégie, le taux de croissance annuel moyen des ventes était de 14 % pour le commerce électronique, contre 1,4 % pour le commerce en magasin.
Si tous les biens sont désormais concernés par le e-commerce, tous ne sont pas également impactés de la même façon par la montée en puissance du numérique. Les catégories pour lesquelles le commerce en ligne est le plus développé restent l’équipement du foyer (36 % des dépenses de high-tech sont faites en ligne, 21 % de celles de meubles) et les produits culturels (24 % des biens « physiques » : livres, DVD, CD, etc.).
Mais les ventes en ligne sont en forte croissance dans le secteur de l’habillement (21 % des dépenses) et concernent désormais les produits de consommation courante.
La part de marché des ventes en ligne dans l’alimentaire se situe entre 8 et 9 % en 2020, selon l’institut Nielsen, essentiellement par le biais des drives.
Le commerce électronique apporte des services spécifiques aux consommateurs (livraison, accès à un grand nombre de produits et de vendeurs, comparaison des prix). Cette facilité tend à engendrer une concurrence importante entre les vendeurs, notamment sur les prix qui constituent un facteur très important pour les consommateurs.
Cette forte concurrence profite d’abord aux grandes plateformes e-commerce, à l’instar d’Amazon qui a réalisé 7,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France en 2020.
Mais le e-commerce peut aussi constituer des opportunités de développement pour les petits commerce.
Quel est l’impact du commerce en ligne sur les petits commerces ?
Bien que les études sur l’impact du e-commerce sur la structure du marché de la distribution soient rares, les auteurs de la note du CAE mettent en évidence plusieurs aspects.
L’e-commerce accélère le développement des entreprises les plus efficaces au détriment des autres
En théorie, en facilitant les comparaisons de produits, le développement du commerce électronique tend homogénéiser les prix et à les faire baisser. Il favorise les entreprises les plus efficaces, en termes de coûts ou de qualité ce qui peut aboutir, dans certains cas, à une concentration des acteurs du marché.
Ainsi, une étude menée aux États-Unis portant que la période 1994 – 2003 a montré que dans le secteur des agences de voyage, un accroissement de 15 % du recours des consommateurs au commerce électronique a entrainé un déclin du nombre des petites entreprises du secteur (potentiellement les moins efficaces) de l’ordre de 13 % pour les agences de 1 à 4 employés, et de 21 % pour les agences de 5 à 9 employés.
L’e-commerce impacte plus fortement la grande distribution que les petits commerce
Plusieurs études montrent que le premier concurrent du commerce en ligne est la grande distribution et que les petits commerces disposent d’opportunités pour tirer leur épingle du jeu.
C’est ce qu’illustre l’analyse du marché de la distribution des livres aux États-Unis, entre 2016 et 2019. Outre-Atlantique, Les petits libraires résistent bien à la concurrence des vendeurs en ligne (notamment d’Amazon) lorsqu’ils se spécialisent sur une niche étroite sur laquelle ils disposent d’un large assortiment, privilégiant des ventes plus limitées mais des marges plus importantes, alors que les chaînes de taille moyenne comme Barnes & Noble perdent des parts de marché et des points de vente.
Ainsi, le marché semble se structurer autour de grands acteurs du commerce coexistant avec de multiples petits concurrents spécialisés, tandis que les acteurs de taille moyenne verraient leur présence reculer.
L’e-commerce : une opportunité pour les petits commerçants
Le commerce électronique constitue un moyen pour les petits commerces de se développer en proposant une offre de vente en ligne, assortie d’un système de livraison ou de collecte en magasin. Des études menées aux États-Unis ont démontré que le développement d’une offre en ligne est globalement positif pour les commerçants.
Selon leurs auteurs, si les ventes en lignes tendent à diminuer les ventes en magasin, le e-commerce, en permettant au commerçant d’adresser de nouveaux marchés, tend à améliorer au final le chiffre d’affaire global.
Pour les auteurs de cette note la montée en puissance du e-commerce est susceptible de jouer en faveur des petits commerces.
Les dispositifs d’aide aux commerçants pour se numériser
La digitalisation des commerces s’est accélérée pendant la crise du Covid et se poursuit. Le Baromètre France Num, montre ainsi que la part des TPE et PME du commerce qui trouve que le numérique aujourd’hui représente un bénéfice réel pour leur entreprise est passée de 67 % à 74 % entre 2020 et 2022.
De nombreuses enseignes mettent en place une activité de vente en ligne : fin 2021, la Fevad recense environ 200 000 sites marchands en France, soit 11 % de plus que l’année précédente.
Cependant, les TPE ont du retard. Outre la création d’un site web, proposer un service de vente en ligne nécessite également de mettre en place un système d’empaquetage, de livraison ou de collecte, de paiement sécurisé sur internet, une modification de la gestion des stocks, etc.
Pour les aider à passer au numérique de nombreux dispositifs financés par l’Etat et les collectivités, leur sont proposés.
Le chèque numérique France Num de 500 euros
Pendant la crise sanitaire, 112 000 TPE ont bénéficié du chèque numérique France Num. Financé par le Plan de relance, ce dispositif porté par France Num mettait à disposition des TPE une aide publique de 500 euros pour accompagner le développement d’une offre numérique. Sur l’ensemble des bénéficiaires :
- 18 % étaient issus du secteur du commerce ;
- 28 % de celui des activités de service ;
- 16 % de l’hébergement-restauration.
Si le dispositif n’est aujourd’hui plus disponible, d’autres dispositifs sont toujours accessible !
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