Résumé
Inscrite dans le champ de l’urban food planning, cette thèse porte sur les interactions contemporaines entre fabrique de la ville et systèmes alimentaires urbains. Elle les étudie à l’échelle du projet urbain, scène d’action collective, de représentations et de pratiques professionnelles, qui se matérialise par la réalisation d’opérations d’aménagement. Au point de départ de la recherche, il y le constat d’une montée en puissance de discours, de programmes et d’acteurs liés à l’alimentation dans les projets urbains. Cette effervescence s’inscrit dans une dynamique de reterritorialisation des systèmes alimentaires, qui interpelle plus spécifiquement les acteurs urbains depuis la fin des années 1990. La recherche analyse les manifestations, le sens et les effets de cette dynamique sur les interactions entre urbanisme et alimentation. Elle mobilise quatre démarches méthodologiques complémentaires. 1) Les dynamiques actuelles sont étudiées à la lumière de l’histoire longue des interactions entre ville et alimentation, en croisant de multiples travaux de recherche historique. 2) Un panorama des enjeux actuels est établi grâce à l’analyse documentaire d’un corpus de 365 fiches de présentation d’opérations d’aménagement récentes (2014-2019). 3) À travers une enquête par observation participante, on entre au cœur de l’élaboration du projet militant CARMA, qui ambitionne de reterritorialiser le système alimentaire à l’échelle du Pays de France (Île-de-France). Inscrit dans la controverse sur l’urbanisation du Triangle de Gonesse, il permet de soulever les débats idéologiques, les jeux de tension et de négociation entre systèmes conventionnels (alimentaire comme de production urbaine) et visions alternatives. 4) Enfin, on étudie ces dynamiques de renégociation dans trois projets urbains menés par des acteurs institutionnels classiques du monde de l’aménagement : Doulon-Gohards (Nantes), Fives Cail (Lille) et Base 217 (Cœur d’Essonne Agglomération). In fine, la recherche montre que le projet urbain, grâce à son caractère intégrateur et aux échelles spatiales et temporelles relativement resserrées dans lesquelles il se déploie, constitue une scène d’expérimentation privilégiée de la reconnexion entre urbanisme et alimentation. Par ailleurs, l’imaginaire aménageur est (re)politisé par les débats qui traversent la reterritorialisation alimentaire et dans lesquels les acteurs des projets prennent position. Néanmoins, ces évolutions restent marginales et le projet urbain alimentaire peine à transformer les régimes dominants de l’urbanisme comme de l’alimentation.
Source: http://www.theses.fr/2023PESC0001
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